"On ne peut pas permettre la libéralisation des visas sans précautions"

Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a participé le 20 mai à Bruxelles à une réunion du Conseil Justice-Affaires intérieures de l’UE. La rencontre a permis d’évoquer les enjeux migratoires, notamment la mise en oeuvre de l’accord UE-Turquie.

I- Déclaration de Bernard Cazeneuve à l’issue de la réunion du Conseil des ministres de l’intérieur de l’UE (Bruxelles, 20 mai 2016)

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Sur la clause de sauvegarde demandée par la France et l’Allemagne, avez-vous obtenu un consensus de la part de vos homologues ? Que contient cette clause ?



Bernard CAZENEUVE
 : "Cette clause de sauvegarde est une clause qui permet de revenir en arrière sur la question de la libéralisation des visas si un pays manque à ses obligations ou à ses engagements.

C’était pour nous très important que de faire partager cette clause de sauvegarde par l’ensemble des pays de l’Union européenne parce qu’en matière de libéralisation des visas, compte-tenu de ce qu’est la situation au sein de l’espace Schengen, l’objectif de maitrise doit prévaloir sur tout autre objectif. Si nous voulons conforter Schengen, on ne peut pas permettre la libéralisation des visas sans précautions, sans calendrier maitrisé et dans des conditions de précipitation comme celles qu’on voulait nous imposer. Donc nous avons pris une position extrêmement ferme.

Pour ce qui concerne la Turquie, les 72 critères doivent être remplis. Ils doivent tous être remplis, et aussi longtemps qu’ils ne le seront pas, la France sera vigilante. Et même si ces critères devaient être remplis, s’ils devaient à un moment ou à un autre y avoir un manquement, il y aurait une possibilité de corriger le dispositif.

Pour ce qui concerne les autres pays qui sont concernés par la question de la libéralisation des visas, c’est à dire Ukraine, Kosovo et Géorgie, la France a une position très claire : ces sujets ne peuvent pas être traités maintenant, dans le calendrier qu’on nous propose, en bloc. Il n’y a pas une décision qui serait prise pour les pays en bloc sans que l’on puisse regarder, dans le cadre d’un monitoring européen très rigoureux, les conditions dans lesquelles les critères sont remplis. Et de toutes les façons, ce sujet ne peut pas être traité dans les semaines et les mois qui viennent. Ce n’est pas le souhait de la France. Donc voilà pour ce qui concerne la question de la libéralisation des visas.

Mais nous avons également traité plus généralement de la situation migratoire, et notamment en Méditerranée centrale et en Méditerranée orientale.

Pour ce qui concerne l’accord avec la Turquie, l’objectif vers lequel nous devons tendre c’est l’accélération des conditions d’examen des procédures d’asile en Grèce.

Ca ne va pas assez vite ?

Ca ne va pas assez vite non pas du fait du gouvernement grec : le gouvernement grec fait ce qu’il peut, mais il y a des procédures d’appel qui sont longues, qui sont compliquées, qui rendent difficile la mise en œuvre de cet accord.

Ce que nous avons dit une fois de plus -nous sommes crédibles pour le dire car nous avons déjà tenu nos engagements- c’est que nous mettrons le maximum de moyens au sein de l’EASO et de Frontex pour aider la Grèce à faire ce travail. C’est difficile pour la Grèce, nous sommes solidaires à son égard. Nous sommes près de son administration. Nous avons envie que pour des raisons humanitaires les choses soient maitrisées. Nous avons par conséquent déjà mis énormément de moyens au sein d’EASO et de Frontex. Nous les maintiendrons.

Deuxièmement, pour ce qui concerne la situation en Méditerranée centrale, c’est à dire sur la route Libye-Italie. Là aussi les exigences sont fortes, et je constate avec satisfaction que l’UE les intègre. C’est un contrôle aux frontières qui doit être efficace, effectif, puissant au moment de l’arrivée des migrants à Lampedusa. Cela veut dire que les moyens de Frontex doivent être là. Cela veut dire que le système d’information Schengen doit être interrogé, cela veut dire que tous les pays de l’UE doivent alimenter désormais le système d’information Schengen. Nous devons être assurés qu’il est connecté aux autres fichiers, et notamment criminels et terroristes.

Et puis il faut une véritable task-force européenne de lutte contre les faux documents, car nous savons que Daech a récupéré des milliers de passeports vierges qui sont ensuite utilisés et transformés par les terroristes.

Et puis il faut –j’insiste beaucoup sur ce point- qu’il y ait des conventions de retour. Il faut que ceux qui arrivent en Italie, et qui sont pour la plupart d’entre-eux, des migrants qui arrivent de l’ouest de l’Afrique, puissent être reconduits parce qu’ils n’ont pas vocation à être accueillis en Europe car ils ne relèvent pas de la protection. Pour cela, il faut que le mandat qui a été confié par l’UE à la Haute-Représentante Federica Mogherini, puisse être effectif et concrétisé dans les meilleurs délais.

Sur les critères par rapport à la Turquie M. le Ministre. Vous nous dites qu’Ankara est encore loin du compte, notamment sur un critère important qui est la définition extrêmement large de la notion de terrorisme ?

Sur tous ces sujets, il y a un travail entre la Commission et le gouvernement turc que je ne vais pas perturber par des déclarations ici à Bruxelles. Ce travail se poursuit. Je crois qu’il y a une unanimité des gouvernements qui sont autour de la table et un accord avec la Commission pour dire qu’il faut que les critères soient rigoureusement remplis. Le Président Juncker s’est lui-même expliqué et exprimé très clairement sur ce sujet. Par conséquent, notre objectif, c’est que les 72 critères soient remplis de façon extrêmement rigoureuse.

II- Résultats de la session du Conseil

Dernière modification : 24/02/2019

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